Jarry "Monstres et merveilles"

Jarry appartient exactement à la même génération que Gide, Valéry ou Claudel. il reçoit comme eux, l'ineffaçable influence de Mallarmé et participe aux mêmes revues. Pourtant, Jarry demeure inclassable, irréductible: serait-ce parce que son oeuvre oscille entre deux pôles, le monstre et la merveille? Il en a exploré à la fois l'opposition et la complémentarité au long de son existence créatrice, en particulier dans L'Ymagier, la revue qu'il anima pendant deux ans en compagnie de Remy de Gourmont. Du monstre, faut-il encore parler? En ses diverses métamorphoses, Ubu en assure la pérennité, introduisant son "mufle infâme" jusque dans les livres les plus élaborés, les plus savants, tel que César-Antechrist — ce qui rend définitivement impossible toute lecture univoque. Avec non moins de constance, Jarry recherche les merveilles, en particulier dans la mémoire de l'enfance; l'illumination née du plus lointain passé est au coeur de trois de ses romans, Les Jours et les Nuits, de L'Amour absolu ou de La Dragonne. Le dialogue avec Paul Valéry, la bibliothèque énigmatique du docteur Faustroll permettent aussi un autre émerveillement, celui des constructions de l'esprit humain. Les articles ici réunis explorent ces diverses dimensions d'une oeuvre encore souvent méconnue.