Cinéma, littérature : projection

Il ne s’agit pas ici de ce que le cinéma fait à la littérature mais de ce que l’imaginaire polysémique de la projection suscite d’allers, de retours et de réécritures croisées entre les deux disciplines, y compris dans les possibles dérives « projectives » du geste interprétatif, du moment qu’il entraîne un gain heuristique et travaille au croisement de l’optique et du psychique. La projection cinématographique est en effet, d’abord, un dispositif optique. Un faisceau lumineux transporte en l’agrandissant, parfois en l’anamorphosant, une image sur un écran : image passée, qu’il actualise ; image fugace, dont il déploie l’évanescence ; image photogramme, qu’il met en mouvement et expose à la dissemblance. Or la participation émotionnelle que suscite l’optique n’est pas sans rapport avec le dispositif psychique du même nom, qui consiste à extérioriser un contenu inconscient pour le voir en le déniant comme sien. Les deux versants de la projection ont en commun d’être des mécanismes qui mettent en jeu un travail de déformation autant destiné à faire voir qu’à opacifier et faire écran. Le cinéma s’avère alors surface où s’inscrivent les traumas inassimilables auxquels la projection donne forme visible selon le modèle de la figurabilité inconsciente. Ces prémisses esquissent les contours d’un nouveau chantier interdisciplinaire dont cette publication collective entend déployer l’extension maximale et donner les premières clés de compréhension.