Penser la prose dans le monde gréco-romain

La prose n’a pas été, en Grèce ancienne, une forme vide ou transparente. Etroitement associée à la parole politique et au discours scientifique (philosophie, histoire, enquête sur la nature) dont, vers la fin de l’époque archaïque, elle a accompagné l’émergence, elle en a gardé un ensemble de connotations et une vocation propres. Cette personnalité est si marquée qu’on peut, comme l’a fait L. Alma-Tadema dans le tableau reproduit sur la couverture de ce livre, dresser l’allégorie du langage en prose : masculin, studieux, adulte, aussi tendu vers le réel que la « Poésie », son double inversé (v. ci-contre), s’abandonne, sous les traits d’une femme, à de vagues rêveries. Plus qu’un portrait authentique, il s’agit d’une pose ou d’une posture ; la prose antique a su « rêver » elle aussi… Vers le début de notre ère en particulier, dans le paysage littéraire du monde gréco-romain, les formes de prose ont occupé une position dominante, et investi toutes les fonctions jadis réservées à la poésie : divertir, séduire, inventer des mondes imaginaires. Pourtant, les prosateurs n’ont cessé d’affirmer l’identité de la prose et d’exiger d’elle, alors même que la poésie devenait son modèle secret, qu’elle reste fidèle, d’une manière ou d’une autre, à son programme originel. Héritiers de cette histoire complexe, théoriciens, orateurs, romanciers, auteurs de satires, de dialogues ou de « prosimètres » ont médité sur la nature de la prose ; ils ont mis au jour ses contradictions, défini ses modèles, formulé ses normes et ses recettes. Leurs réflexions et leurs pratiques font l’objet des neuf études réunies dans ce volume.