Les contraintes de la cohérence dans le cinéma de fiction.

Pour la première fois La Licorne, revue à vocation littéraire et linguistique présente un numéro entièrement consacré au cinéma. La problématique choisie présente le double mérite d'aborder un thème de réflexion crucial dans le domaine de l'analyse filmique, et de constituer un champ de recherches suffissamment ouvert pour accueillir des contributions très diverses. Le propos commun à tous ces travaux est de mettre en évidence une cohérence tonjours postulée—car déjà inscrite dans le film constitué comme objet d'analyse — mais parfois peu manifeste, enfouie dans les structures profondes de l'œuvre. L'ouvrage se compose de trois ensembles : un ensemble théorique, un ensemble analytique, et un ensemble thématique — le cinéma russe des années vingt — offrant un champ d'investigation propice aux deux démarches. — Les études théoriques portent pour l’essentiel sur le film de fiction, et visent, soit à approfondir ou renouveler l'approche de notions familières aux analystes (« point de vue », « métaphore ») soit à introduire un concept nouveau tel que celui de « cohérence émotionnelle ». D'autres se situent à la charnière de plusieurs genres : rapport de documentaire à la fiction, présence de la fiction dans les films publicitaires. — Les articles d'analyse se répartissent en trois groupes. Ceux qui concernent un film posant d'emblée un problème de cohérence (Hiroshima mon Amour, Providence, Mon oncle d'Amérique, Les trois couronnes du matelot) ; ceux qui s'intéressent à des œuvres dont la lisibilité n'est pas en cause mais qui mettent en jeu un principe de cohérence cachée (Alphaville, La Comtesse aux pieds nus); ceux enfin qui adoptant une démarche comparatiste, mettent en lumière des aspects particuliers de la notion (Urgences / Une femme en Afrique, Thérèse Raquin / Stranger than Paradise). — Les travaux sur le cinéma russe des Années vingt allient réflexion théorique et perspective analytique. Le choix du domaine d'investigation s'explique à la fois par des facteurs conjoncturels qui ont facilité échanges et contacts et par la vitalité dont la recherche actuelle concernant cette période fait preuve, tant en Europe qu'en Union Soviétique (Colloques internationaux à Pordenone et à Paris entre autres...). Ce choix nous semble d'autant plus justifié que les réalisateurs concernés (Eisenstein et Ermler) se situèrent eux-mêmes au cœur d'une activité théorique particulièrement féconde. Nous avons pu à ce propos bénéficier de la collaboration de Michel Iampolski et Iouri Tsivian, sémioticiens soviétiques reconnus à l'Institut du Film de Moscou et de celle de Natalia Noussinova, chercheur et critique à qui nous devons en outre, l'accès au manuscrit, inédit en Europe, du scénario de film de Sologoub, poète symboliste, héritier de Gogol et de Dostoïevski, et styliste raffiné. L'article de Christian Metz — Miroirs du Cinéma — ouvre le numéro.