L'obsession de la faute
dans la littérature française du XVIe siècle au XXe siècle

Ce volume de la Licorne permet de rencontrer cinq siècles de littérature d'expression française. La faute y apparaît dans sa réalité multiforme, étudiée dans ses rapports avec l'histoire des mœurs et des mentalités, avec l'histoire événementielle, la psychanalyse, les formes littéraires et la fonction de la littérature d'un temps donné. Elle appelle également des commentaires sur les notions qui lui sont liées : péché, aveu, remords, repentir, rédemption et rachat. Surtout elle confirme qu'elle est une des sources les plus fécondes de la création littéraire. En effet, les textes réunis proposent trois relations essentielles entre faute et littérature. Ou celle-ci a pour fonction de rompre avec l'obsession de la faute par un acte de foi dans la beauté foncière du monde, une inversion euphorique de la morale reçue et un rejet progressif du scrupule. Ou elle entretient avec l'aveu un rapport essentiel, parce que formuler la faute, c'est lui donner l’être. La confession, à côté du soulagement qu'elle apporte, peut renforcer l'obsession. De nos jours, c'est la parole elle-même, l’expression littéraire, qui est devenue pour beaucoup d'écrivains la faute,— car elle ne peut que trahir celui qui parle —, « et le dernier recours quend on a trahi ». Ainsi, bien loin que l'obsession de la faute dans la littérature s'atténue avec l'affaiblissement de la conscience religieuse, elle subsiste, diffuse et omniprésente, les écrivains préférant que la faute soit imaginaire plutôt qu'absente. Mais le lien le plus fort en Occident entre la littérature et la faute semble être qu’il ne peut y avoir d'homme en dehors de la faute et de littérature en dehors de l'homme. Derrière la diversité des communications, il semble donc que nous atteignions à l'essence des rapports littérature et faute: la littérature occidentale éprouve à l'égard de la faute qui l'obsède un sentiment de répulsion qui l'engage à l'exorciser et un élan de désir qui l'entraîne à le perpétuer.