Cinéma documentaire - Cinéma de fiction
Frontières et passages

Le documentaire, délaissé de nombreuses années, boudé par les médias, connaît depuis quelque temps un regain de faveur qui s'est traduit par l'apparition de festivals spécialisés (« Sunny Side of the Doc », à Marseille ; le Festival de Lussas, en Ardèche ; le Cinéma du Réel, à Beaubourg…) et une augmentation corollaire de la production. La télévision a également contribué à ce renouveau en réservant une partie de ses programmes — sans toujours, hélas, favoriser les films d'auteur — à la diffusion d'œuvres relevant de ce genre.Le présent recueil émane en grande partie d'un colloque organisé par la Faculté des Lettres de Poitiers en mars 1991, dans le cadre plus vaste d'une quinzaine consacrée au cinéma documentaire. Cette manifestation fut l'occasion d'une rétrospective complète de l'œuvre de deux grands cinéastes : Johan Van der Keuken et Raymond Depardon. Elle a permis en outre de mettre en évidence la diversité et la richesse de cette forme d'expression cinématographique (écoles documentaristes d'hier et d'aujourd'hui, réalisations indépendantes…).Bon nombre des œuvres présentées auraient pu servir d'illustration à la problématique choisie pour le colloque, à savoir la fragilité des fron-tières qui séparent le documentaire de la fiction.Excluant d'emblée les « documentaires » (reportages à sensations sévissant sur certaines chaînes) qui introduisent la fiction pour mieux manipuler le spectateur, les articles contenus dans ce recueil s'intéressent aux films — documentaires ou fictions — qui, jouant de cette relation entre deux formes de représentation du réel, incitent le spectateur à s'interroger sur le statut de l'image et sur les différentes lectures que sollicite le travail du réalisateur.Le numéro s'ouvre sur une réflexion d'ordre général visant à mettre en cause l'identification abusive entre documentaire et description d'une part, fiction et narration d'autre part.Suivent un ensemble d'analyses portant sur l'utilisation des codes fictionnels dans un film dit documentaire ou, à l'inverse, sur l'emploi de techniques et matériaux (archives, reportages…) documentaires dans le film de fiction. Labarthe et Chris Marker, Franju et son esthétique de la déstabilisation visant à détourner une commande illustrent le premier cas, Godard et Resnais le second.Les trois articles suivants, consacrés au cinéma soviétique, introdui-sent une perspective légèrement différente dans la mesure où, à côté des préoccupations esthétiques, apparaissent des enjeux idéologiques et politiques, que ce soit dans le cinéma des années 20 ou dans la production contemporaine, avec l'exemple de l'école balte du documentaire.La contribution sur le film publicitaire — qui, en contre-point du statut “réel