Méthodes et savoirs chez Henri Michaux

Ce regard porté sur l'œuvre de Michaux veut nourrir une réflexion sur le savoir et la littérature, sur la pensée de leurs rapports. La littérature peut-elle se définir comme une pratique de connaissance, face aux disciplines qui, à l'image de la philosophie, revendiquent une fonction heuristique ? La littérature devrait-elle se contenter d'admirer les savoirs institués, ne les intégrant dans ses œuvres qu'au titre de thèmes, selon une procédure, en fait, citationelle, qui les désigne comme des ailleurs de connaissance et, par un même mouvement, légitime la connaissance comme un ailleurs de la littérature ? On le voit, ce rapport entre savoir et littérature ouvre deux perspectives. La réflexion porte aussi bien sur les méthodes et savoirs cités, convoqués par le texte — ils en constituent, d'une certaine façon, le « dehors » —, que sur ceux qui, émanant de l'œuvre elle-même, de son activité, en constituent le mode propre d'élaboration, la « vérité ». Les commentateurs de l'œuvre ont parlé d'un savoir varié, encyclopédique, tellement se donnent à lire, dans l'œuvre, de nombreuses références à des objets et des processus de connaissance. Mais, dans le même temps que défilent ces objets de culture, s'élabore un savoir de l'œuvre, qui est l'épreuve d'une méthode en même temps qu’un mode de penser, mais particulier, affranchi de l'argumentation et de la rationalité logiques. Les savoirs chez Henri Michaux ne sont donc pas des blocs erratiques de connaissance, qu'une lecture attentive pourrait se donner pour tâche de mettre au jour. Si l'on excepte la recherche légitime des sources ou des influences, il n'y a en fait rien à chercher dans cette œuvre, rien en tout cas dont le recensement soit de nature à être légitimé en tant qu'approche critique. Seule est signifiante, ici, l'intégration de ces données, la valeur qu'elles acquièrent dans une écriture qui en fait sa composante fondamentale, qui se constitue dans cette entreprise d'appropriation des savoirs.