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Le tombeau poétique en France
QU'EST-CE QU'UN TOMBEAU POÉTIQUE ? Le tombeau, confident de mon rêve infini (Car le tombeau toujours comprendra le poète) Baudelaire
Le mur est massif, de pierre pleine, dur, fini ; pourtant il suinte Le mur est lisse, neuf et vieux, il sépare, il dérobe, il obstrue, et pourtant, est-ce à lui de le faire, il protège, il soutène l'insecte à 100 %, il se lamente, il adosse la décision, il est compté jusqu'à l'os, il transperce les eaux, il vient de laisser passer la main qui inscrivait, il met mortel en tête Michel Deguy
Tombeau — de tout mon haut, j'y tomberai. Michel Leiris Bien sûr, on pourrait contourner la question, l'oublier, faire comme si elle ne se posait pas, comme si le tombeau — le mot et la chose littéraire — n'existait pas, comme si le projet de ce volume n'était pas né, précisément, du désir de la rencontrer, à défaut de prétendre la résoudre. On pourrait alors, sans état d'âme, évoquer ici tel texte d'hommage publié dans la NRF ou dans un quotidien, là telles épitaphes en vers, plus loin une oraison funèbre, ou une élégie, ou tel texte de déploration — et, pourquoi pas, les Contemplations ou tel chœur des Juives de Robert Garnier… Mais le tombeau poétique n'est rien de tout cela — et il est peut-être tout cela à la fois. On n'en saurait pas davantage sur la spécificité de l'« objet-tombeau », sur ce que désigne le recours même au mot « tombeau » pour le titre de tel ou tel texte (ou ensemble de textes). On en resterait au dévoiement commun du mot, acceptant négligemment de prendre la métaphore au carré : car le tombeau poétique est d'abord méta-phore du tombeau réel, et les textes indûment dénommés « tombeau »1 deviennent comme les métaphores d'un objet littéraire lui-même métaphorique. « Le tombeau de… : composition poétique, œuvre musicale en l'honneur de quelqu'un », nous dit un dictionnaire courant (le Petit Robert). On croit déjà en savoir plus : composition poétique — laissons donc de côté Le Tombeau de Baudelaire de Pierre Jean Jouve, en prose (et l'on ne saurait dire qu'il s'agit d'un poème en prose), par exemple. Mais l'on sait bien aussi que certains « tombeaux » admis comme tels comportent des pièces en prose, au XVIe siècle comme au XIXe… Et puis : œuvre musicale. Faudra-t-il donc s'interroger également sur le rapport éventuel entre tombeau poétique et tombeau musical ?
Bref, il convenait d'abord de circonscrire l'objet étudié, et de le circonscrire dans l'espace d'une langue, disons plutôt d'une histoire lit-téraire « nationale » puisque l'une des spécificités de certains tombeaux, notamment au XVIe siècle, est de pouvoir comporter des textes latins, évidemment, mais aussi et surtout des textes en italien, en espagnol… — le XIXe siècle ne l'oubliera pas2. S'en tenir au tombeau poétique en France, c'est inévitablement se priver de tel ou tel élément nécessaire à une compréhension plus approfondie du phénomène : se priver du regard sur la situation du tombeau littéraire en Italie à la Renaissance puis au XVIIe siècle, par exemple ; pire encore, faire de l'héritage antique et de l'Anthologie grecque un présupposé — et feindre d'ignorer que le tombeau littéraire ne saurait être totalement compris s'il n'est mis en rela-tion avec le tombeau sculpté et, plus largement, avec les rites funéraires3. Mais, outre que c'est là opérer un choix inévitable dont il faut seulement garder pleine conscience, c'est en même temps affirmer que le tombeau poétique a une histoire, et, osons le mot, une histoire nationale — que le tombeau est un lieu où s'expriment et s'exhibent le statut de l'écrivain, ses rapports à l'idéologie, au pouvoir, plus généralement à l'institution.
Pour entrer dans le tombeau (poétique), on voulait donc en tout premier lieu chercher à le délimiter, à le « repérer ». A tirer d'un « inventaire », représentatif à défaut d'être exhaustif, un « précipité » où se révéleraient des traits propres à ce qu'on pourrait alors reconnaître comme genre. Mais pouvait-on, sans être aveuglé par le souci d'en sortir (du tombeau), prétendre que le tombeau de Du Bellay tel qu'il s'écrivit au XVIe siècle4 avait beaucoup de rapports avec le Tombeau de Du Bellay de Michel Deguy ? Il fallait bien renoncer au synchronique — non pas au « micro-synchronique » que peut constituer une enquête sur l'état du « genre » à une période donnée — pour s'abandonner au chronologique. Prendre acte du fait que le tombeau poétique, plus peut-être que tout autre genre (si c'en est un), ou de manière plus immédiate, ne saurait être vu comme un « objet » littéraire isolable du contexte de sa production. Il fallut donc doubler la question initiale d'une autre, non pour reléguer la première au rang des projets sans lendemain mais bien davantage pour espérer mieux la retrouver : pourquoi, après quasiment deux siècles d'oubli ou d'abandon, tente-t-on de remettre le tombeau poétique au goût du jour dans la seconde moitié du XIXe siècle ? Et en quoi la réponse à cette question peut-elle éclairer les tombeaux qui s'écrivent aujourd'hui ?
De fait, c'est bien un parcours que nous proposons au lecteur, en une « architecture » qui laisse place à la parole poétique et ne l'ensevelisse pas sous le commentaire-épitaphe. Faire parler le tombeau plutôt que le momifier sous la glose. Ainsi le lecteur rencontrera d'abord un tombeau du XVIe siècle (le Tombeau des L'Aubespine, en partie inédit) avant d'entendre, en fin de volume, des « voix présentes », celles de poètes sollicités pour écrire un tombeau ou pour parler du tombeau — pour parler aussi depuis le ou les tombeaux qu'ils ont souvent eux-mêmes écrits. Dans l'intervalle de ces voix collectives (celles de Ronsard, de Baïf, de Dorat, de Desportes, etc., dans le Tombeau des L'Aubespine ; celles de Pierre Bettencourt, Michel Deguy, Lionel Ray, Jean-Michel Maulpoix, Jacques Roubaud, Jude Stéfan en fin de volume), une série d'articles qu'il faut décrire brièvement pour en faire comprendre l'intention.
Un travail de synthèse sur le tombeau au XVIe siècle s'imposait, qui brossât un véritable état des lieux du tombeau poétique en son âge d'or en France, en une période où, à défaut de présenter une absolue cohé-rence, il est du moins clairement identifié ; ce travail de synthèse devait aussi présenter des analyses, soulever des questions mettant au jour les enjeux et le statut du tombeau — et ces analyses, telles que les mène Amaury Fleges dans ce qui, délibérément, est plus une étude qu'un article, éclairent tout autant le tombeau des siècles postérieurs. D'autres mains suivent la piste du tombeau au XVIIe siècle (Jean-Pierre Chauveau) et au XVIIIe (Sylvain Menant) — et d'autres plumes, déjà, cherchent le tombeau là où on ne l'attendrait pas toujours immédiatement (Gisèle Mathieu-Castellani et Dominique Moncond'huy) ou disent, en contrepoint, la naissance du tombeau musical (Philippe Vendrix). Devaient ensuite apparaître la volonté du XIXe siècle en sa seconde moitié de faire renaître le tombeau de la Renaissance (Joël Dalançon) et le travail spécifique, véritable rupture à nos yeux, de Mallarmé (Hans Peter Lund). Dès lors s'ouvraient plusieurs voies pour évoquer une sorte de « regain » du tombeau au XXe siècle, ici considéré, dans des perspec-tives différentes et à propos de textes divers (parfois à la limite du tombeau poétique directement identifiable comme tel — l'article de Claude Leroy), à travers des lectures volontairement plurielles. Au terme d'un tel parcours, s'il a quelque cohérence et s'il ouvre les pistes attendues, le lecteur devrait éprouver le désir de pousser plus loin l'investigation…5
Qu'on nous permette d'esquisser, plus qu'un bilan, des perspectives — fussent-elles simplificatrices : du moins voudraient-elles susciter réactions et réflexions. Le tombeau poétique se constitue en France vers le milieu du XVIe siècle, assurément à partir d'influences diverses, où il faudrait compter à la fois l'héritage antique (épitaphes, épigrammes funéraires de l'Anthologie grecque, mais aussi Virgile…), des traditions créées ou transmises par les siècles précédents ou par les générations immédiatement antérieures (par exemple la complainte funéraire des Rhétoriqueurs), des influences étrangères contemporaines, mais aussi des textes-phares, ceux de Dante et de Pétrarque en particulier, qui, sans relever directement du tombeau, informent directement un certain imaginaire poétique et un certain chant poétique de la mort. C'est aussi, assurément, que les conditions de possibilité d'une naissance du tombeau poétique en France étaient réunies, d'abord dans l'instauration de nouvelles relations entre pouvoir et poètes, dans l'émergence d'hommes de pouvoir souhaitant une « reconnaissance » dont les auteurs connaissaient aussi le besoin. Bref, un climat idéologique, au sens le plus large du terme, marqué par la recherche d'une reconnaissance et d'une légitimation. On pourrait même voir là comme un aboutissement d'une évolution que Philippe Ariès a pu constater pour le tombeau « véritable » :
Vers le XIe siècle, le souci d'identité longtemps refoulé reparut, d'abord sous la forme élémentaire de l'épitaphe la plus concise (un nom, un titre), ensuite sous la forme plus expressive de l'effigie. […] A partir du XIe-XIIe siècle et avec une forte augmentation à partir du XVIe, l'épitaphe [l'inscription portée sur la pierre] a été le moyen le plus répandu pour les hommes du Moyen Age de sortir de l'anonymat et de posséder un tombeau bien à eux.6
L'épitaphe littéraire, en ce sens, peut passer pour une simple transcription de l'épitaphe figurant sur le tombeau réel, du moins comme son équivalent. Or le tombeau réel, à cette époque, comporte souvent divers éléments : inscription plus ou moins longue, effigie(s) — gisant ou priant, quand ce n'est pas, dans un désir d'identification plus immédiat, véritable portrait, surtout à partir du XVe siècle. Toutes les variations sont possibles, avec des évolutions nettement repérables (voir les Images de l'homme devant la mort). Mais le tombeau apparaît toujours comme un dispositif complexe où, à l'époque qui nous intéresse, se combinent souvent le texte et l'image. Véritable architecture où tout fait sens. C'est aussi en regard de cette réalité qu'il faut songer au tombeau littéraire du XVIe siècle. Si l'on s'en tient au tombeau collectif, qui est sans doute la version la plus « achevée » du tombeau littéraire du temps, on peut l'analyser comme une architecture — parfois ordonnée selon des codes bien précis, par exemple un ordre des textes qui n'est pas laissé au hasard — composée d'éléments dont l'hétérogénéité, litté-rairement parlant, est un trait constitutif majeur. Hétérogénéité de genres et de formes — sonnets, épigrammes… —, des langues aussi, voire coexistence de la prose et du vers, hétérogénéité qui ne doit pas être tenue comme un inaccomplissement, un « défaut », mais comme un signe de richesse, et de riche diversité. On ne s'étonnera pas que l'épita-phe y ait sa place (soit en tant que telle, soit intégrée à un texte qui, en lui-même, relève d'un autre genre). En ce sens, l'épitaphe « littéraire », qui peut passer pour une métonymie du tombeau réel, est accompagnée dans ces volumes de textes qui brossent le portrait du défunt comme, dans la réalité, l'inscription est doublée d'une effigie.
Le tombeau littéraire, analysé plus loin par Amaury Fleges comme lieu d'un échange ayant pour acteurs les auteurs (voire l'éditeur) et le commanditaire ou l'institution, disparaît assez vite au cours du XVIIe siècle7, en même temps qu'évoluent et les rites funéraires et la nature du pouvoir royal. Et c'est quasiment au moment où recule et disparaît presque (jamais tout à fait, du moins sous la forme d'un texte isolé) le tombeau littéraire qu'apparaît le tombeau musical, qui connaîtra un réel développement jusqu'au cours du XVIIIe siècle.
Le tombeau littéraire se survit avec peine durant plus de deux siècles ; la célébration ou l'hommage rendu au défunt prennent d'autres formes. Ne subsistent vraiment, nous semble-t-il, que des tombeaux isolés, lieux de l'expression d'une douleur intime (véritable ou de commande, peu importe), ou des tombeaux de caractère satirique. Dans les deux cas, c'est l'expression d'une personne, d'une individualité, non d'un groupe ou d'une institution. Si l'on préfère, le tombeau « se marginalise », perdant quasiment toute valeur « officielle ».
C'est dans la seconde moitié du XIXe siècle qu'il renaît de ses cendres , dans deux voies différentes et presque opposées. La première consiste en la volonté délibérée (et parfois revendiquée) de reprendre l'exemple du tombeau de la Renaissance : il s'agit donc de réunir des textes de différents auteurs pour composer un volume qui peut être aussi hétérogène (genres, formes, langues) que l'étaient les grands tombeaux du XVIe siècle, voire plus encore (insertion dans certains volumes, à côté de poèmes commémoratifs, de véritables études de l'œuvre du défunt ou de poèmes inédits de ce dernier — la critique littéraire marque son domaine). De tels volumes sont généralement mis en œuvre, commandés et organisés par le directeur d'une revue ou d'une maison d'édition — c'est aussi une « opération commerciale » —, fût-ce en plaçant l'entreprise sous la responsabilité d'un auteur reconnu. Une telle résurgence du tombeau appelle à coup sûr différentes explications. Proposons au moins celles-ci : la redécouverte du XVIe siècle et de ses poètes en particulier ; le goût marqué par le XIXe siècle, au moins en sa seconde moitié, pour la commémoration (le Tombeau de Baudelaire publié en 1896 par La Plume annonce qu'un monument a été commandé à Rodin — et rappelons que le « Tombeau d'Edgar Poe » de Mallarmé, dont on reparlera plus loin, est lui aussi écrit à l'occasion de l'érection d'un monument aux États-Unis) ; voire la volonté de saisir toutes les occasions de manifester l'existence d'une « école » littéraire, d'un cénacle, ou, plus largement, du monde des lettres comme groupe cohérent, jamais mieux rassemblé que lors d'une telle commémoration. A ce type de tombeau (assez rare, apparemment) se rattache le Tombeau de Théophile Gautier (1873), celui de Baudelaire (1896), celui d'un écrivain plus obscur, Louis Ménard (1902). Il n'aura guère de postérité, en tout cas sous cette forme, car les volumes d'hommages publiés ultérieurement par de grandes revues (la NRF par exemple) peuvent y être rattachés et en constituent comme un prolongement ; mais la référence au XVIe siècle a disparu ou ne s'affiche plus aussi nettement, la prose l'emporte généralement — on ne peut plus à proprement parler dire qu'il s'agit de tombeaux poétiques. Il est intéressant de constater que ce renouveau du tombeau poétique selon le modèle de la Renaissance touche aussi, avec un léger décalage dans le temps (comme, au XVIIe siècle, apparaît le tombeau musical alors que s'étiole le tombeau poéti-que), le milieu musical — et ce renouveau sera tout aussi éphémère que celui du tombeau poétique. Là encore, c'est un directeur de revue qui donne l'impulsion (directement sous l'influence du modèle littéraire, apparemment) : « L'initiative en revient à la Revue musicale qui vient de passer à la NRF et cherche à faire peau neuve, et à son directeur Henri Prunières » . L'entreprise est clairement placée sous le signe du tombeau poétique du XVIe siècle : après le Tombeau de Claude Debussy (décembre 1920) et avant le Tombeau de Paul Dukas (mai-juin 1936) vient le Tombeau de Ronsard (mai 1924)10 .
Mais le tombeau reprend également vie sous une autre forme : celle du poème isolé, dont le titre comporte le mot « tombeau » — comme la revendication de l'appartenance à un genre. On pense évidemment à Mallarmé, dont les tombeaux constituent à nos yeux une rupture dans l'histoire du genre qu'on tente d'esquisser ici à grands traits. Mallarmé est assurément un poète capital pour l'objet qui est le nôtre : non seulement il participe à des tombeaux collectifs (il va même jusqu'à jouer un rôle éminent dans le Tombeau de Baudelaire, où figure la mention suivante : « Comité formé sous les auspices et la présidence effective du poète Stéphane Mallarmé pour ériger un monument à Charles Baudelaire »), mais il fait du tombeau poétique plus que le lieu d'une simple commémoration ou d'un simple hommage : celui de l'affirmation d'un statut particulier pour le poète, en dehors du monde social, en marge parce qu'ignoré, et en marge par refus. En ce sens, on est bien là aux antipodes du tombeau collectif tel qu'on le concevait au XVIe siècle ; au lieu que s'y dessine ou s'y confirme une harmonie sociale, un échange entre auteur(s) et pouvoir, on y affirme l'existence d'un milieu littéraire, on voudrait dire d'un « corps littéraire », détaché du corps social et fort d'irréductibles individualités. C'est la revendication — fût-elle présentée comme douloureuse — d'une autonomie, d'un statut nouveau pour le poète, qui ne cherche plus reconnaissance et légitimation qu'auprès de ses pairs et des lettrés. Sans doute est-ce à ce type de tombeau que se rattachent bon nombre de ceux qu'a produits notre siècle. Des exceptions cependant (poèmes réalisés ou simples projets), et très significatives : on pense à des poèmes de la Résistance (moment précisément où il s'agit de refonder une cohésion sociale et nationale) ou à des poèmes de célébration inspirés par telle ou telle formation politique, en particulier le parti communiste11.
Les inscriptions qu'on lit sur les tombeaux romains sont la plus tonique des invitations à la vie. Non que les morts, ou ceux qui venaient après eux, fussent tous épicuriens […] ; mais tous, par-delà le trépas, restent vivants, s'adressent à ceux qui passent devant leur dernier séjour comme ils converseraient avec de vieux amis.
Danielle Porte12
Les mots ne sauvent rien en effet […]. Ils témoignent, du moins, de ce défi lancé par un homme contre l'irrémédiable. La parole, tout comme le geste héroïque, façonne son monument, c'est-à-dire, au sens classique du terme, son effigie solennelle et son tombeau.
Claude Esteban13
Revenons maintenant à la première question, celle de la spécificité poétique du tombeau. De notre développement précédent ressortent d'elles-mêmes quelques conclusions. Le tombeau littéraire au XVIe siècle (du moins si l'on s'en tient au tombeau collectif) est bien un genre, qui répond à un certain nombre de critères, vraisemblablement établis sur l'exemple plus que vraiment codifiés : hétérogénéité des textes (forme, longueur, langue), dessein de dresser une effigie poétique du défunt — on lui élève une statue de vers. Mais il n'est pas une forme, ou bien alors il s'agit d'une « macro-forme » dont la caractéristique première est d'intégrer, voire de nécessiter des éléments de forme différente. L'essentiel, par ailleurs, semble bien être de réaliser une effigie du défunt, de l'identifier pour mieux l'inscrire dans la mémoire, le constituer en modèle… ; roi ou poète, le défunt appelle le même type de vers : faire entendre sa voix n'est pas l'enjeu du projet. On identifie sans individualiser, ou seulement pour reconnaître à l'individu des qualités, des vertus qui permettent de voir en lui l'expression éventuellement parfaite d'une norme. Ce tombeau-là est essentiellement hyperbolique — c'est-à-dire que le défunt est dit avoir réalisé absolument un trait, une valeur qui lui préexistaient, qui existent en dehors de lui — et essentiellement fondé sur la référence à l'image, à l'iconique.
Bien des tombeaux isolés du XVIe ou du XVIIe siècle, pièces figurant dans des recueils de tel ou tel poète (ou dans des recueils collectifs ne constituant pas un tombeau), paraissent relever de cette description, du moins en ce qui concerne l'enjeu du texte et la posture du locuteur. Ces pièces ne constituent ni un genre (ils ressortissent au genre plus large de la poésie de célébration), ni une forme. Exercice rhétorique où les figures l'emportent, expression d'une douleur vraie — ou d'une aversion affirmée lorsqu'il s'agit de tombeaux satiriques — dans certains cas : ces tombeaux-là n'ont plus ni lieu propre, ni caractéristique véritable autre que celle de célébrer un mort. Le tombeau se dilue dans une production poétique elle-même déclinante, du moins sous certains de ses visages antérieurs.
Il en va autrement, nous semble-t-il, de certains tombeaux (car il serait hasardeux de ramener l'ensemble des tombeaux écrits au XXe siècle à une production strictement homogène) depuis le XIXe siècle. C'est bien en ce sens que les tombeaux de Mallarmé, selon nous, font rupture. Ce qui nous paraît évoluer, c'est la posture du locuteur à l'égard du mort : non plus mise à distance, mais appropriation ou affirmation d'une parenté intime et essentielle, qui fait du poète qui chante un double du défunt. Il ne s'agit plus de commémorer, ce qui revient à évacuer, à éloigner, à fixer en une image qui équivaut à l'effigie du tombeau réel, mais bien de refuser cette seconde mort que constitue la mise en tombeau poétique au XVIe siècle, de dire la « survie » sous une autre forme. Là, il s'agissait de « faire revivre » en image codée, de ranger le mort à la place asignée par l'ordre de la norme ; ici, il s'agit de faire parler encore le mort, non pas de prendre acte de sa disparition mais de refuser qu'elle soit entérinée, récupérée par un ordre qui classe et éteint. Là, la référence était l'image ; ici, c'est la voix. On identifiait pour mieux inscrire dans un cadre ; on dit l'individualité absolue, rétive à toute classification.
Le tombeau poétique met toujours en jeu les trois « figures » que sont le mort, le locuteur et le destinataire. Or les règles du jeu diffèrent d'un type de tombeau à l'autre. Dans le tombeau tel qu'on l'écrit au XVIe siècle, le défunt est l'objet d'un spectacle qu'observent ensemble le locuteur et le lecteur — le tombeau a bien pour objet de resserrer les liens des vivants réunis autour de la sépulture poétique, le mort étant définitivement exclu par le tombeau lui-même. En revanche, dans l'autre cas, l'objet même du tombeau est de dire l'intime proximité du locuteur et du défunt, voire leur communion spirituelle — disons poétique. Cette fois, c'est le lecteur qui est sinon exclu, du moins tenu à distance : le tombeau lui fait bien entendre qu'il n'est pas de ce monde-là. Autrement dit, il appartient au poète qui chante le défunt de chanter en son nom propre et au nom du défunt — non plus chanter son nom, mais chanter en son nom, à sa place, ou plutôt en une sorte de duo fantasmé où les deux voix ne seraient plus nettement dissociables la (« ventriloquie » dont parle plus loin Michel Deguy). La dialectique présence/absence, qui est au centre de l'opération du tombeau, ne se joue plus de la même façon ; l'immortalité n'a plus le même sens : là, c'était celle du modèle rejeté dans l'empyrée des divins chantres ; ici, c'est celle de la perpétuation dans la voix de celui qui parle encore — faut-il user de la métaphore de l'ingestion ? Y reconnaître un geste plus « primitif », moins socialisé ? La conception mallarméenne du poète y inciterait presque. On ne dit plus où désormais réside l'âme du défunt ; le poème devient lui-même le lieu de sa survie14. Le poète, pour autant, ne s'efface pas pour laisser parler le mort en lui : il parle avec lui.
Bien des variations sont assurément possibles. La plus évidente des solutions consiste à mimer la voix du mort, non pas, artificiellement, pour la reproduire dans un vain ressassement, mais pour la faire sienne et la prolonger, l'enrichir de son propre apport15 — la transformer pour mieux lui permettre de produire encore. Travail de la citation dans certains cas, bien plus souvent de la réécriture, de l'appropriation de figures, de champs lexicaux, du mètre…16
La rupture pourrait être à mettre en rapport avec l'émergence du sujet (dont parle plus loin Michel Deguy), inappropriable par le lecteur comme par toute institution — et qui pourrait aussi contribuer à expliquer qu'ont été vouées à l'échec les tentatives de retour au tombeau collectif. De ce fait, le tombeau poétique apparaît comme le lieu privilégié de l'expres-sion d'une irréductibilité absolue du poète — il parle ou on le fait parler d'ailleurs, de la mort, comme, de son vivant déjà mais peut-être sans qu'on l'aperçoive, il parlait d'ailleurs. Plus d'un tombeau « moderne », en ce sens, est aussi lieu privilégié où s'énonce, sur le mode performatif, un art poétique — qu'on pense aux tombeaux de Mallarmé ou au Tombeau de Du Bellay de Deguy. Ce dernier, en élevant un monumentum au poète des Antiquités de Rome (qui sont elles-mêmes comme un tombeau des vanités humaines), en appelle surtout aux Regrets, véritable tombeau de soi-même, où s'affirme la mort de soi et, avec sa « résurrection » par le texte même, l'émergence du sujet et, d'un même mouvement, d'un nouvel art poétique comme d'un autre « statut » du poétique, de sa définition même, de sa revendication à une reconnaissance nouvelle :
La poésie ne laisse plus à un autre (critique, historien…) la fonction de dire qu'elle est, comment, dépossession, décantation ; qu'elle ne tient qu'à dire l'impossibilité — de vivre, en figure réciproque avec l'impossibilité de dire, qui s'extorque un dire du deuil qui porte l'expérience du rapport à la mort décevante qui la mande.
La parole poétique s'inscrit contre la mort et sur la mort — et nul lieu ne se prête sans doute mieux à cette confrontation.
Une nouvelle distinction pourrait être nécessaire, qui dissocierait le tombeau d'un poète (ou peut-être, plus largement, d'un artiste) du tombeau d'un proche, où l'expression de la douleur prend le pas sur l'affirmation, à travers l'évocation du poète mort, d'une poétique. Sans entrer dans le cas particulier du Tombeau d'Anatole , on peut souligner qu'une telle distinction, au XVIe siècle, n'aurait guère de validité : preuve a contrario de la spécificité du tombeau du poète par le poète à l'époque moderne. Une autre spécificité du tombeau au XVIe siècle, en tout cas du tombeau collectif, est son rapport à l'architecture. D'abord à l'archi-tecture du tombeau sculpté, ensemble souvent complexe et pouvant comporter plusieurs représentations. Mais aussi et plus encore parce que le livre lui-même se donne comme une architecture élevée à la gloire du défunt — plus que tout autre texte, le tombeau mime le réel (tout en entendant le dépasser : c'est le thème récurrent de l'avantage du verbe sur la pierre, elle promise à la destruction) —, comme une architecture où se donne à lire aussi le « corps » constitué, et constitué ou réaffirmé comme tel par le texte même, des poètes « légitimes ». Le tombeau dresse ainsi « l'architecture » du monde poétique, parfois jusque dans ses hiérarchies .
Les tombeaux collectifs du XIXe siècle prétendent généralement renouer avec cette référence à l'architecture (et le lien déjà souligné entre de tels tombeaux et l'érection d'un monument va dans le même sens). Mais le modèle architectural touche aussi d'importants tombeaux plus récents, dus à une seule plume. Ainsi du Tombeau de Du Bellay, que Michel Deguy ouvre par deux textes liminaires, le premier définissant le rapport au poète d'antan (« Ex-qui de dos traîné entre deux eaux/Maintenant quoi »), le second explicitant le projet et sa mise en œuvre proprement architecturale :
Lisant donc et relisant Du Bellay, questionnant sa « modernité » et la tradition qui repasse par lui et coule de lui — amphibologie de la Dame et de la femme ; déploration de ruine ; jeux rustiques de la terre en son temps ; Regret où l'enfer se purge et s'enchante ; ryme sardonienne et satirique — je songeais à inscrire tels poèmes sur les faces du trièdre baroque d'un tombeau dédié.
Et ce trièdre se veut lui-même transposition des différentes « faces » du poète Du Bellay — l'« architecture » du tombeau poétique dit comment le texte même du poète du XVIe siècle informe et structure le chant par lequel on parle à travers lui.
Par sa thématique, Quelque chose noir, de Jacques Roubaud, relève du tombeau ; ordonné en neuf sections de neufs poèmes composés (à de très rares exceptions près, délibérées et assurément justifiables) de neuf séquences, clos — peut-être vaudrait-il mieux dire : suivi — par un poème de neuf séquences, c'est plus encore par sa structure qu'il est tombeau. Il faut s'arrêter sur le nombre 9, à la symbolique extrêmement riche : mesure des gestations, symbolisant l'achèvement d'une création, il est aussi le « symbole de la multiplicité faisant retour à l'unité et, par extension, celui de la solidarité cosmique et de la rédemption » ; « étant le dernier de la série des chiffres, [il] annonce à la fois une fin et un recommencement […]. On retrouverait ici l'idée de nouvelle naissance et de germination, en même temps que celle de mort » ; certaines traditions en font même le nombre éternel de l'immortalité humaine. On voit l'intérêt proprement symbolique d'une telle architecture (que développe d'ailleurs La Pluralité des mondes de Lewis, qui fait suite à Quelque chose noir). Inutile de s'appesantir sur l'ambiguïté sémantique du « neuf » (dont Roubaud lui-même n'hésite pas à jouer ). Mieux vaut ajouter que le 9 constitue également le début d'une spirale (comme le 6) et renvoyer aux Tombeaux de Pétarque du même auteur , « neuf stèles de neuf vers chacune » :
Chaque strophe-stèle est écrite en décasyllabes […] et chaque décasyllabe enferme trois mots clefs d'une des neuf sextines de Pétrarque […], en respectant l'ordre de leur apparition dans le canzoniere et en construisant, par le mouvement de roue de ces mots une « neuvine », qui est au nombre neuf ce que la sextine est au six. La neuvine est une forme inventée par Raymond Queneau, dans laquelle tournent les sextines de Pétrarque, chacune résumée par ce qui en est le cœur, la liste ordonnée de ses six mots clés, dans l'ordre qui est celui de chaque dernière strophe.
Reprenant le modèle de la sextine, « inventée par Arnaut Daniel et transmise à Pétrarque par son maître Dante » , Les Tombeaux de Pétrarque constituent un hommage en forme de réécriture, mais plus encore un « tombeau multiple » : tombeau tout à la fois, à travers la sextine, d'Arnaut Daniel, de Dante et de Pétrarque, mais aussi hommage à Queneau (qui devait décéder en 1976, l'année qui suivit la première publication des Tombeaux de Pétrarque). Or la figure de Dante, à travers le 9 (qui est chez lui le nombre de Béatrice, symbole de l'Amour, mais aussi, conformément à la tradition, le nombre du Ciel), est également convoquée dans Quelque chose noir (et encore dans La Pluralité des mondes de Lewis, dont la dernière section est intitulée « Cercles en méditations »). Chez le mathématicien qu'est Roubaud, le nombre qui sous-tend l'architecture du tombeau intime comme, plus tôt, celle du tombeau des grands prédécesseurs revêt à l'évidence une importance toute spécifique. Pour être un exemple particulier, il n'en est pas moins des plus significatifs : architecture, réécriture fondent le tombeau poétique, particulièrement le tombeau « moderne », qui assume, parfois revendique et surtout transmet une mémoire littéraire, une « tradition », un lignage si l'on préfère, où prendraient place notamment Virgile, Dante et Pétrarque, mais aussi l'Ovide des Tristes et Du Bellay.
Que reste-t-il, pour les poètes contemporains, de l'héritage du tombeau au XVIe siècle ? Peu de choses, sans doute, sinon quelques grands textes de Ronsard ou de telle autre figure éminente du temps, sortis de leur contexte et de leur insertion dans un recueil collectif, dépossédés d'une part de leur sens. Faut-il en conclure que, décidément, le tombeau du XVIe siècle et le tombeau « moderne » — une fois pris acte de l'échec du renouveau du tombeau collectif à la fin du XIXe siècle — n'ont rien de commun ? Que le tombeau, aujourd'hui, n'est ni un genre ni une forme, mais un type parmi d'autres de poèmes d'hommage, dont l'appellation constituerait une simple survivance ? Ce ne serait pas rendre raison du recours à cette appellation, où s'exprime bien un rapport au monument et une référence au tombeau d'autrefois, au tombeau réel comme au tombeau poétique. On oublierait enfin cette évidence que le tombeau, quelle que soit sa forme, sa finalité liée à sa réception et, d'abord, aux conditions de sa production, est presque toujours le lieu d'une méditation, d'une réflexion ontologique inévitable — après y être tombé, ni le poète ni le lecteur ne sort indemne du tombeau. Faut-il revenir dans cette perspective sur la « crise » du tombeau aux XVIIe et XVIIIe siècles ? Ce serait alors pour dire, non pas l'absence de toute méditation, dont le recul très net du tombeau serait un indice, mais l'évolution de la forme de ce travail sur soi et de son expression. Soulignons plutôt que cette méditation, souvent fort stéréotypée au XVIe siècle — les tombeaux égrènent différents poncifs, transférables sans difficulté d'un texte à l'autre —, connaît aujourd'hui d'autres voix, qui ne sauraient dissocier de cette réflexion intime le travail poétique, la revendication de sa légitimité et de son prix. Ainsi pourrait s'expliquer que, dans la lignée des Regrets, plusieurs recueils contemporains puissent se lire comme des tombeaux de soi-même — on pense par exemple au Lionel Ray de Comme un château défait. Dans les cas les plus extrêmes (Jude Stéfan, entre autres), le tombeau n'est peut-être plus ce genre poétique qu'il ne fut clairement qu'à la Renaissance, mais bien l'essence, la finalité, voire la justification, le lieu même du texte poétique — linceul de soi-même .
« Re — vers —dit ; Revers — d'y ; Rêve — erre — dis ; Reverdit…
Ici reverdit la pierre… »
Michel Deguy
« Ta bouche lit ces mots, mais c'est moi qui les pense,
et ta voix, maintenant, devient un peu ma voix ».
saint Augustin
________________________________ 1. Qu'il s'agisse, par exemple, du Tombeau de Gilles de Rais d'E. Cormann — où le mot paraît désigner une intention, non un genre — ou, « pire encore », des ouvrages d'une collection récente (aux éditions L'Incertain) ainsi présentée : « Ni débordement de louanges, ni ensevelissement de l'œuvre, la collection Tombeau se veut le moteur symbolique d'une nouvelle lecture d'auteurs oubliés ou mésestimés. Essais, coups de cœur, pastiches, biographies fictives ou crépusculaires, tout y est permis pourvu que deux auteurs s'y rencontrent ». Galimatias, pour qui chercherait une définition du genre (ce qui ne préjuge en rien, évidemment, de la qualité intrinsèque des ouvrages de ladite collection). Retenons du moins l'idée qui présida sans doute au choix de l'appellation : le tombeau littéraire fait revivre et « deux auteurs s'y rencontrent ». 2. Voir l'article de J. Dalançon sur le Tombeau de Théophile Gautier. Quant au Tombeau de Baudelaire (1896), il comporte un poème latin de J. Richepin, mais aussi des traductions allemandes et danoise de poèmes des Fleurs du mal. 3. Pour le tombeau sculpté, la bilbiographie est immense. Citons seulement l'ouvrage classique d'E. Panofsky, Tomb Sculpture. Four lectures on its changing aspects from ancient Egypt to Bernini, London, Thames and Hudson, 1964 — et un article récent de Ph. Sénéchal (« Jean Second à Saint-Denis : les tombeaux de Charles VIII et de Louis XII en 1532 », Revue de l'art, n° 99, 1993, p. 74-79), pour attirer l'attention sur une élégie du poète néo-latin J. Second « qui est une sorte d'ekphrasis » des tombeaux susdits : l'étude du tombeau poétique pourrait gagner à réfléchir aux liens possibles entre une ekphrasis de ce type et le « monument » littéraire. Quant aux rites funéraires, il faut d'abord renvoyer aux travaux de Ph. Ariès, aux Essais sur l'histoire de la mort en Occident, du Moyen Age à nos jours (Seuil, 1975), à L'Homme devant la mort (Seuil, 1977) et plus encore peut-être ici aux Images de l'homme devant la mort (Seuil, 1983). 4. Voir l'article d'A. Fleges. 5. C'est dans cette intention que nous donnons des indications bibliographiques en fin de volume, en dépit de la difficulté inhérente à l'identification des tombeaux et des limites du « genre ». 6. Images de l'homme devant la mort, op. cit., p. 42 et 46 (nous soulignons). 7. Mais l'échange ne disparaît sans doute pas, lui : il trouve à s'investir dans d'autres « lieux », par exemple l'oraison funèbre. On peut noter que c'est peut-être à peu près l'époque (dans ses Images de l'homme devant la mort, Ph. Ariès dit « au XVIIe siècle », sans autre précision ; dans ses Essais sur l'histoire de la mort en Occident (Points-Seuil, 1977, p. 48), il faisait remonter le phénomène plus loin : « Les défunts prévoyaient dans leur testament des services religieux perpétuels pour le salut de leur âme. Dès le XIIIe siècle et jusqu'au XVIIe, les testataires (de leur vivant) ou leurs héritiers firent graver sur une plaque de pierre (ou de cuivre) les termes de la donation et les engagements du curé de la paroisse ») où apparaissent, sur les inscriptions des pierres, la mention de marchés passés entre les défunts et les hommes d'Église : « L'épitaphe n'est plus une notice biographique proclamant le mérite et la piété du défunt. Elle devient le monument réputé impérissable qui assure la publicité — et par conséquent la durée — d'un marché conclu entre les possesseurs d'ici-bas et les représentants de l'au-delà. Les échanges (biens contre services religieux) prévus par testament font l'objet d'un contrat devant notaire, et l'épitaphe du tombeau transcrit le nom du notaire et décrit minutieusement les legs et donations, les services obtenus en échange à l'église, et les conditions qui assurent la pérennité de l'opération » (Images de l'homme devant la mort, op. cit., p. 96). 8. En 1873 encore, le Dictionnaire de la langue française de Littré ne donne pas le sens poétique de « tombeau ». 9. M.-Cl. Mussat, « Le Tombeau dans la musique du XXe siècle », Tombeaux et monuments, éd. J. Dugast et M. Touret, Presses de l'Université Rennes 2, 1992, p. 135. Ces tombeaux constituent un supplément musical joint à des numéros spéciaux. 10. Publié à l'occasion du 400e anniversaire de la naissance du poète (voir M.-Cl. Mussat, ibid., p. 136). 11. Voir l'article d'O. Barbarant. 12. Tombeaux romains. Anthologie d'épitaphes latines, traduction et préface de D. Porte, Le Promeneur, 1993, préface, p. 7. 13. Préface à F. de Quevedo, Monuments de la mort, Deyrolle, 1992, p. 11. 14. « Dans mon livre Gisants […], il y a un poème de pompe funèbre qui s'intitule Convoi. Avec lui (par lui et en lui), j'ai eu la possibilité de faire reposer un mort très cher là où il n'est pas ; de “rapprocher
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