L'Image génératrice de textes de fiction

Le groupe « Lisible/Visible » de la Faculté des Lettres et des Langues de l'Université de Poitiers a organisé un premier colloque en 1992 : « Lisible/Visible : problématiques » (Actes publiés dans La Licorne, n° 23), suivi d'un deuxième en 1994 : « L'image génératrice de textes de fiction ». A la pluralité, la généralité affichées par le titre de notre premier colloque s'oppose avec le deuxième, par un renversement de la perspective adoptée, le singulier (et la singularité) d'une problématique fermement circonscrite. Celle-ci, posant l'antériorité de l'image sur le texte et revendi-quant pour celui-ci un statut fictionnel, exclut dans l'étude des rapports du lisible et du visible toute illustration du texte par l'image, mais aussi bien (et l'on voudra bien nous pardonner ici la métaphore) toute « illustration » de l'image par le texte. Sont ainsi rejetés hors champ l'ekphrasis et, d'une façon générale, le pur discours critique, sous quelque forme qu'il se présente. Telle exclusion, il est vrai, voit sa rigueur largement atténuée (les exemples de Diderot et de Baudelaire en témoignent) par le fait que, bien souvent, au sein même du texte critique, la fiction, avouée comme telle, prend le relais de la description et/ou de l'analyse, voire la supplante, ou par l'existence de véritables fictions critiques. Généré par l'image, le texte (de fiction) ne parle pas sur/à propos de l'image. Il parle à partir, donc à distance, de l'image. Et c'est de et dans cette mise à distance qu'il se constitue comme tel et trouve sa justification. Au terme du parcours ici proposé, il apparaîtra qu'en dépit de sa singularité, la problématique de la génération d'un texte par une image débouche presque inévitablement sur une interrogation plus large et plus ouverte des rapports du lisible et du visible. Ce qui se trouve à chaque fois (re)mis en jeu, c'est (à travers les évolutions et les déplacements qu'il a pu connaître) le statut respectif du texte et de l'image. Du même coup les modalités de la (pseudo) génération du texte par l'image donnent lieu à des interrogations nouvelles et au renouvellement de leur mise en oeuvre. Comme si s'éprouvait la nécessité pour l'écrivain de recourir à la fiction d'une dépendance à l'image pour affirmer l'autonomie, la radicale hétéro-généité du texte, pour réinventer sa pratique scripturale, pour mettre àl'épreuve les pouvoirs (ou, plus rarement, les limites) de l'écriture.