Epicedion - Hommage à P. Papinius Statius 96-1996

tace peut-il espérer aujourd'hui toucher plus qu'un cercle de happy few, ceux qui partagent avec Dante, Malherbe, Corneille ou Goethe le privilège d'apprécier un poète complexe et subtil ? Il n'y a guère que quelques décennies que les critiques, renonçant à le dépecer au seul bénéfice de la Quellenforschung, ont accepté de le lire pour lui-même, avec le respect auquel a droit tout écrivain, passât-il pour mineur. Leurs patientes investigations ont permis de redécouvrir une personnalité et un talent qui intriguent et séduisent. Rien de plus divers que les trois œuvres conservées. A l'austère et étouffante Thébaïde s'oppose la romanesque Achilléide, où transparaît un sourire souvent malicieux. En face de ces épopées mythologiques apparemment inactuelles, c'est de la vie foisonnante des hautes classes de la société flavienne que participent directement les Silves. Stace avait le goût de la vie paisible, des émotions douces. Il exprime de façon touchante, parfois poignante, les soucis modestes et familiaux. On lui doit pourtant maintes figures terribles et grandioses. Son Œdipe ne le cède à aucun autre. C'est Capanée, non le décevant Mézence, qui, fidèle à lui-même, poursuit sa carrière dans l'Inferno de la Divine Comédie. Plus aimable, le Rodrigue du Cid emprunte plus d'un trait à Achille. Stace, poète d'origine grecque, fils de ce Papinius qui a triomphé dans tous les grands Jeux helléniques, est sans doute avec Horace celui qui a su le mieux explorer les ressources de la langue latine (Malherbe, dont il fut le poète préféré, ne s'y est pas trompé), le plus expert à la modeler pour lui faire rendre des effets inconnus, pour suggérer l'ambigu ou l'impondérable. Alors que chaque vers résonne des échos d'une intertextualité inépuisable, il ne cesse jamais d'être pleinement lui-même. Goethe s'émerveille de son talent pour évoquer et restituer à nos yeux objets et paysages. Cependant le quotidien même apparaît toujours comme nimbé d'un voile surnaturel qui l'arrache à la réalité prosaïque. Diversité et pourtant unité de l'oeuvre ; un frémissement qui attache. Il se crée avec ce poète longtemps indignement traité, au-delà des recherches érudites, un lien affectif. Le projet de réunir, à l'occasion du mille neuf centième anniversaire de sa mort, les contributions de quelques uns des meilleurs spécialistes mondiaux a été lancé en mai 1995, à l'initiative de S. Georgacopoulou. Le projet a reçu aussitôt un accueil chaleureux et a abouti à cet Epicedion. Le recueil rassemble des articles issus de 9 pays et de trois continents. Il atteste à la fois, par le nombre de problèmes soulevés ainsi que par la diversité des approches, la richesse et la complexité d'une

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