Le détour

L’ouvrage de François Jullien Le Détour et l’accès a servi de point de départ au travail de recherche dont ce volume constitue le point d’aboutissement. Différant du mode de pensée cartésien, la pensée chinoise appréhende le réel par le biais : plutôt qu’à la métaphore de la pensée en droite ligne, on se fie à une pensée de la périphérie qui fait excursion par d’autres sujets. Le mode de pensée privilégiant l’implicite, l’oblique, pratiquant la suggestion pour ouvrir et laisser proliférer le sens, refusant sa clôture, a semblé offrir un modèle propre à renouveler l’approche textuelle au sens large du terme. C’est donc sur le mode de l’indirect, de la sinuosité, que les études de cet ouvrage ont tenté de laisser le sens advenir. Pratique et herméneutique du détour, entendu comme métaphore spatiale : " ex-cursio", sur l’ancien modèle rhétorique, parcours spatial, trajet fantaisiste, changement de direction. Centre vide autour duquel on construit du discours comme pour entourer l’indicible, l’impensable, l’imprésentable, le détour sert aussi à dire sans dire et recourt à l’aparté, au faux-fuyant, à l’interruption, à l’euphémisme… Voie sinueuse tout en méandres, le labyrinthe et ses détours, comme chez Borges, se fait modélisation littéraire, ou, sur le mode deleuzien, offre rhyzomes et entrées multiples. Voyage de rois mages, détours de l’ange de l’Annonciation, labyrinthe shakespearien, crypte ou cache londoniennes pour prêtres réfractaires… Le détour est multiforme mais toujours fonctionnel.