Le savoir des genres

À quoi reconnaître un genre et sous quel angle le décrire ? Aujourd'hui notre intérêt pour ces questions est avant tout d'ordre pragmatique : constamment sollicités, les genres servent à quelque chose et à quelqu'un ; ils définissent un « voir comme », et constituent une médiation essentielle dans nos pratiques de lecture, de classement, de valorisation ou d'interprétation. La question n'est plus, par exemple, À la recherche du temps perdu est-il un roman policier, une comédie ou un traité de morale ? mais : que fait-on quand on le lit ou quand on le classe comme tel ? Enchevêtrement complexe de connaissances, de reconnaissances, d'appropriations, le regard générique puise à un répertoire de formes et d'idées qu'il nourrit en retour. Ce qui se dessine alors, c'est un savoir des genres, mêlant expérience, affects et cognition : savoir dont disposent les acteurs (compétences, préférences, méconnaissances) et savoir que modélisent les œuvres, lorsqu'elles élaborent des cadres, des instruments d'intelligibilité ou des programmes de vie à leur tour généralisables, dont les traces se sédimentent en une mémoire générique.