Formes brèves. Métamorphoses de la sententia

Les formes brèves, grecques et latines, semblent être restées à l'écart des études rhétoriques récentes. Or, sous leurs diverses manifestations (gnômè, chrie, sentence, dit mémorable, proverbe, adage, pointe), elles ont, de la plus haute antiquité à l'humanisme le plus tardif, retenu l'attention des grammairiens et de philosophes, qui se sont efforcés de les distinguer, de les définir, de les collectionner. Parallèlement à cette activité classificatrice et parfois contradictoirement, s'impose et se diversifie une pratique qui met en œuvre les modalités de réinsertion ou de neuf surgissement de ce type d'énoncé dans un contexte philosophique, oratoire ou poétique. C'est à observer ces divers fonctionnements et le théorisation qui, au cours des siècles, s'élabore à leur sujet, que c'est attaché le groupe Grammaire et rhétorique anciennes de Poitiers. L'originalité de ce séminaire qui, à la diversité complémentaire des approches méthodologiques allie un éventail diachronique qui va de l'époque archaïque au dix-septième siècle, pouvait, peut-être, répondre à cette complexité mouvante. Les recherches de chacun et la réflexion menée en commun autour d'elles — travail dont témoignent partiellement les essais qui suivent — auront au moins permis de repérer la stabilité de l'héritage gnomique dans ses énoncés comme dans ses emplois et, lors même qu'elle joue, paradoxalement, la forme du dit consacré pour mieux servir un autre esprit, une vitalité d'invention qui s'affirme et parfois se grise. De la citation qu'une séculaire répétition cristallise, à la pointe qui, pour briller plus vive doit subvertir le déjà-dit, en passant par la création psychagogique, se déploient les métamorphoses de la sententia : le resserrement qui la définit et l'isole la désigne en effet, fixée, à la mémoire et à la méditation libre, à l'exercice et au jeu.