Des voix dans l'histoire

Du XVIIe au XIXe siècle, le rôle de l’histoire est prééminent, grâce au statut qui fait d’elle, à l’égal de la tragédie, le genre noble par excellence, à valeur sinon édifiante, du moins instructive. Les historiens sont fortement conscients de cette fonction exemplaire, que la rhétorique doit pleinement servir. La vérité historique ne peut s’imposer dans toute sa force que si elle trouve une expression à sa mesure, une expression qui doit sonner juste. Dans cette perspective, faire entendre les « voix » du passé, de la parole des grands acteurs au témoignage oral de plus humbles comparses, au sein du « récit » historique, est un choix d’écriture qu’il faut interroger. Car s’il ne s’agit pas seulement pour l’historien d’orner son propos de formules mémorables, quelles sont ses visées ? Laisser place au témoignage censément authentique, apporter par la citation des preuves de vérité, ou théâtraliser les faits en mettant l’histoire en scène, s’affirmer comme écrivain, maître de tous les moyens techniques et littéraires de son art ? Les grands traités du XVIIe siècle sur l’histoire (La Mothe Le Vayer, Rapin), le genre des harangues, les biographies historiques, en vogue dès la fin de l’Ancien Régime, les « histoires » de Saint-Simon, La Harpe, Balzac, Tocqueville ou Michelet illustrent diversement ces questions, qui rappellent aussi combien l’histoire avait alors à voir avec la littérature.